En avant propos du compte rendu de la corrida aturine du samedi 17 juin (car il y a eu malgré tout une corrida) , je laisse bien volontiers s’exprimer la plume de notre ami Gilbert Lamarque pour un dernier hommage à ce grand torero que fut Ivan Fandiño.
IVAN
Sa dernière bataille. Sa montera jetée par dessus l’épaule était retombée à l’endroit. Parfait. Provechito n° 53, né en Octobre 2011, « Petit appétit » ou « Petit profit », c’est selon, l’Ibàn, premier de Juan del ALAMO. Le basque se propose pour un quite par chicuelinas, deuxième passe. Le toro subitement change sa trajectoire. Bousculé, amené au sol, poussé puis repris près des planches : le coup fatal.
Transporté à l’infirmerie, il est dirigé rapidement vers l’hôpital de la préfecture.
Mais la camarde veillait, le sort en était jeté. Le lendemain, dimanche, l’équipe médicale rendait compte d’une déchirure de la veine cave et de biens d’autres dévastations.
Thanatos, le génie ailé de la mort était venu trouver Ivan. Le temps de vie qui lui avait été alloué s’étant écoulé.
A l’issue de la course, le piquero Rafael AGUDO officiant en premier pour Ivan, vint recevoir son prix : dérisoire.
Non, la tauromachie n’avait nul besoin de ce nouveau drame.
Les poètes pourront toujours faire rimer Ivan et Ibàn : dérisoire.
Nos pensées furent pour sa famille, ses proches, sa cuadrilla mais aussi pour Cristina MORATIEL, la ganadera présente avec son époux sur les tendidos ainsi que pour Domingo, le mayoral, qui dans le callejon grillait, comme de coutume, cigarette sur cigarette.
Nos pensées allèrent aussi à la jeune Junta aturine créatrice de ce cartel attrayant qui n’avait pas attiré la foule aficionada. Ce destin funeste est le premier dans nos arènes françaises depuis 1921 à Béziers où le 26 Juin, le matador Isidoro Mari Fernando « FLORES » est sérieusement blessé par un taureau de Don Alipio PEREZ TABERNERO . Il meurt à Caracas, le 6 décembre des suites de cette blessure.
En 1999, à Vic, le picador J.A.MUÑOZ succomba, écrasé par sa monture, renversée par un Victorino.
Las, la grande Faucheuse a frappé dans les modestes arènes aturines.
Ivan FANDIÑO BARROS est né le 29 Septembre 1980 à Orduña (Biscaye), gros village de 4200 âmes sur la rive gauche du Nervion, celui-la même qui arrose Bilbao.
Patrie des conquistadors (XVIe siècle) Juan ORTIZ de ZÀRATE et Juan de GARAY , Ivan FANDIÑO fut le troisième.
Il débuta en public à Llodio (Alava) le 16 Août 1999 (Llodio où il a été incinéré) et en novillada piquée à Orduña, le 2 Juin 2002 .
Présentation à Madrid le 12 Septembre 2004 . Alternative à Bilbao, le 25 Août (parrain El JULI), confirmation, le 12 Mai 2009 (parrain Antonio FERRERA).
Il eut du mal pour se hisser vers la lumière, et c’est vers la trentaine qu’il surgit de l’ombre.
Un torero dérangeant les figuras car, lui, distillait le toreo pur devant le vrai taureau.
Je me souviens : Orthez, le 25 Juillet 2010. Je découvrais Ivan FANDIÑO sous un ciel gris comme le ruedo de Bilbao, devant un lot de Dolores Aguirre, inégal mais de respect. Le basque s’éternisa aux aciers à son premier. Il brinda son second à Doña Dolores présente sur les tendidos. Il se fit cueillir sans mal sur un pecho. Il écouta le silence une nouvelle fois.
Seuls, la famille et les amis manifestaient leurs encouragements. Julien MILETTO était chef de lidia, un certain Alberto LAMELAS les accompagnait…et El PIMPI piquait pour Ivan…(Dolores, El PIMPI, Ivan et tous ces instants, aujourd’hui dans la grande malle aux souvenirs).
Il fut une des grandes révélations de 2011. Il coupa à Madrid 4 oreilles en 4 tardes.
En 2012 : Madeleine : 2 oreilles face aux Fuente Ymbro. Début d’une belle histoire avec le Plumaçon. Toros y Salsa : 2 oreilles, toujours Fuente Ymbro.
Son étoile fut au firmament en cette année. La temporada suivante, il termine n° 1 du top 10 de la Gacetilla.
De sérieuses blessures à Malaga (Août 2011), à Bayonne ( le 10 Août 2014).
Je me souviens des tardes de Bilbao, « sa » plaza de Vista Alegre. Toreo sincère, racé, viril devant des Jandilla con casta, le 22 Août 2013 et de bien d’autres confrontations dans ce coso.
D’autres succès à Pampelune et Mont de Marsan.
2014 : 61 paseos, 85 oreilles, 1 queue. A Madrid, cette année-la : 4 paseos, 3 oreilles, 1 puerta grande ainsi que 4 appendices à Pampelune, 3 à Mont de Marsan, 2 à Bayonne et 5 pour son encerrona à Guadalajara..
Je me souviens de Madrid, Otoño 2015, encerrona , le dimanche des Rameaux. Faire la pige à toutes ces « figuritas ».
Echec…dérisoire. Je notai (Gacetilla n°111) : « Que voulez-vous qu’il fit devant un tel bétail ? Le pari était osé, l’aventure belle. Les toros n’ont pas voulu. » Le public avait répondu présent : quasi lleno hors San Isidro !
Il en fut profondément affecté ; il continua sa traversée du désert.
Aire était son 14e paseo, cette année. Le 21 Juillet, nous avions rendez-vous au Plumaçon avec un lot de La Quinta ; le 21 Août à Bilbao devant les Alcurrucèn.
Ivan a définitivement rejoint les toreros basques, COCHERITO de BILBAO, Martin AGÜERO et les autres, peut être, sinon le plus valeureux, certainement « LA » figura de la tierra. Victor BARRIO, disparu le 9 Juillet 2016 à Teruel à 29 ans ne s’attendait pas à la venue prématurée de son aîné de 37 ans.
Ainsi s’achève son périple taurin pour embrasser la carrière de fantôme. Sûr qu’il hantera nos plazas. Il ne confectionnera plus que l’absence, des mélancolies, des souvenirs de bonheur. La mémoire, dit-on, embellit les souvenirs.
Il faut parfois mourir pour briller une dernière fois. Euskal Izarra* s’est éteinte.
Salut TORERO et merci !
Ce merci si dérisoire …
*L’Etoile basque.
Gilbert LAMARQUE
Samedi 17 juin 2017 , Arènes Maurice Lauche corrida de Baltasra Iban pour :
Ivan Fandiño : 1 oreille
Thomas Dufau : Avis et salut, avis et silence et avis et silence
Juan del Alamo : Vuelta et oreille
Cornada mortelle sur Ivan Fandiño au cours d’un quite sur le troisième toro dévolu à Juan Del Alamo.
13 piques prisent pour la plupart dans le style de la casa, c'est-à-dire en restant collé au peto. Lot de toros intéressant avec de la bravoure, de la caste et, pour certains de la noblesse (4ème) à condition de tirer le bras et baisser la main.
Juan Del Alamo est dans un grand moment, seul une mauvaise mise à mort à son premier l’a empêché de couper les deux trophées mérités, Thomas n’arrive pas à trouver la distance à un quatrième débordant de noblesse et, ses échecs à l’épée n’arrangent rien.
Et dire que cette corrida dramatique, qui restera dans la mémoire de tous les aficionados présents, aurait pu, avec un peu plus de chance, être triomphale avec la sortie à hombros des trois diestros et du mayoral !!!
Patrick. S